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ChatGPT annonce son ouverture aux conversations de groupe. L’IA quitte la relation individuelle, passe du face-à-face au collectif et s’installe dans le flux des échanges professionnels. Le terreau est fertile : dix années d’outils de collaborative learning ont progressivement gagné leur place dans les organisations, au prix d’itérations, d’acculturation et de sophistication fonctionnelle. ChatGPT ne possède certes pas encore l’ampleur ni la maturité de ces outils, mais sa vitesse de progression bouscule potentiellement les repères établis.
La conversation libérée
La formation professionnelle a toujours rêvé d’un lieu où la conversation circulerait sans effort. Les LMS ont tenté de le construire avec des forums figés. Les LXPs ont ajouté des murs d’expression, des espaces d’échanges, des timelines sociales. Les plateformes de collaborative learning ont cherché à orchestrer l’intelligence collective. Malgré ces efforts, on conviendra que rien n’égale la simplicité d’une discussion réelle. Trop de frictions. Trop de cadres. Trop d’intentions pédagogiques plaquées sur des usages qui n’en voulaient pas forcément. Le social learning (ou le collaborative learning, ce qui n'est pas tout à fait la même chose) a vécu sous perfusion d’animation. Sans animation, il s’éteignait. Avec animation, il peinait à prendre sa pleine dimension. La conversation restait ailleurs : dans les messageries, les réunions, les appels, les documents partagés. ChatGPT change l'équation. Plus besoin de simuler la conversation : elle s’exprime telle qu’elle est. Un groupe s’ouvre, des collègues entrent, parlent, s’interpellent, avancent. L’IA circule dans le fil, écoute le bruit des échanges, extrait la substance, reformule, relance, propose, assemble. Pas de workflow. Pas de hiérarchie d’étapes. Pas de contrainte. La conversation s’impose à l’outil, non l’inverse. La fluidité du dialogue humain rejoint la puissance de synthèse de l’IA. Cette rencontre bouleverse la grammaire du learning : moins de structure, plus d’impact ; moins de contraintes, plus d’usage ; moins d’intentions affichées, plus de résultats tangibles. La formation retrouve une dynamique que les outils n’avaient jamais su vraiment capturer.
Le social learning pris de vitesse
Le social learning avait construit ses promesses sur le partage et l’entraide. Mais l’exécution n’a jamais suivi le rythme attendu. Les communautés restaient silencieuses. Les échanges se réduisaient à des réactions brèves. Les espaces collaboratifs attiraient surtout les convaincus. Et pendant que les plateformes cherchaient à stimuler l’engagement, les pratiques réelles migraient vers des outils qui n’avaient aucune vocation pédagogique : WhatsApp, Teams, Slack. Les collaborateurs avaient choisi leur terrain. Les plateformes learning tentaient de les y ramener, parfois en vain. L’arrivée des conversations de groupe dans ChatGPT renverse cette logique. L’IA s’insère dans des usages déjà installés : dialogues rapides, interactions contextuelles, recherche immédiate de solutions, besoin de clarifier, d’avancer, de produire. L’outil épouse la vitesse des échanges professionnels et la pousse encore plus loin. Une idée émerge, l’IA la consolide. Un débat s’étire, l’IA le resserre. Un doute survient, l’IA l’éclaire. Là où les plateformes learning cherchaient à créer les conditions de l’échange, ChatGPT plonge directement dans le cœur de l’activité. Le social learning promettait de révéler les savoirs tacites ; l’IA les transforme immédiatement en livrables exploitables. Le contraste est brutal.
Une collaboration sous tension élevée
Les Directions Formation savent combien la collaboration consomme d’énergie. Réunions interminables. Ateliers qui stagnent. Versions successives disséminées. Experts qui manquent de temps. Chaque contribution exige un effort disproportionné. Cette inertie coûte cher : délais rallongés, supports trop tardifs, arbitrages retardés. La collaboration se vit comme un processus lourd. ChatGPT inflige un choc à cette inertie. Avec les conversations de groupe, la collaboration bascule dans un mode d’exécution rapide. Le groupe parle, l’IA capte. Le groupe diverge, l’IA canalise. Le groupe hésite, l’IA propose trois options immédiates, argumentées. On ressort d’une séance non plus avec une idée, mais avec une trame, une note, un argumentaire, un plan d’action. On ne repart plus les mains vides. La dynamique change de nature : la collaboration n’est plus un temps dilué, mais un temps à haute densité. Les experts trouvent un espace qui respecte leur disponibilité. Les responsables formation disposent de documents structurés immédiatement utilisables. Les projets avancent avant même que la réunion ne se termine. Les échanges cessent de s’éparpiller et se cristallisent en décisions. Une nouvelle forme d’efficacité émerge, presque étrangère aux outils formation traditionnels. La formation gagne un organe de production continue.
Les plateformes L&D mises au pied du mur
Les plateformes formation ont longtemps cherché à s’imposer comme centre névralgique des projets learning. Elles ont structuré, piloté, suivi, mesuré, certifié. Tout cela reste indispensable. Mais elles n’ont pas réussi à occuper le territoire où la valeur intellectuelle se construit : l’amont, l’échange, le brouillon, la préparation, le débat. De là que l'on doit aujourd'hui raisonner en termes d'écosystème numérique de formation plutôt que de plateforme unique. Les conversations de groupe ChatGPT s’emparent précisément de ce terrain délaissé. L’IA s’installe au moment où tout se joue : quand la pensée se forme, quand le cadre se précise, quand le projet prend sa trajectoire. Ce positionnement place les plateformes L&D dans une posture délicate. Elles conservent leur rôle central dans la diffusion, la gestion, la conformité. Mais elles perdent l’exclusivité sur la création. Si elles n’intègrent pas rapidement des passerelles vers ces nouvelles pratiques, elles risquent de voir une partie essentielle du processus se dérouler hors de leur périmètre. L’IA s’immisce dans les usages quotidiens, non parce qu’elle est mieux conçue, mais parce qu’elle est là où l’on parle, là où l’on réfléchit, là où l’on agit. Elle n’attend pas les autorisations. Elle se branche sur les habitudes. Les plateformes doivent désormais absorber cette réalité et ajuster leur place dans l’écosystème.
Un nouvel acteur dans l’architecture formation
ChatGPT collaboratif ne remplace aucune brique du système formation. Il ajoute une couche. Une couche transversale, flexible, réactive. Une couche qui circule entre les équipes, entre les projets, entre les métiers. Une couche qui capte le geste intellectuel au moment exact où il surgit. Son impact s’étend au social authoring : la création collective de ressources digitales devient plus fluide, plus rapide, plus accessible, l’IA participant à structurer, enrichir ou assembler les contenus produits simultanément par plusieurs contributeurs. Cette couche peut s’intégrer sans friction. Elle n’exige pas de bouleverser les infrastructures. Elle ne remet pas en cause les fonctions de pilotage. Elle s’accroche simplement aux usages. Les Directions Formation y trouveront un levier inédit pour réduire les délais, intensifier la participation, capter les savoirs tacites, accélérer les conceptions et multiplier les points d’entrée dans le learning. Le paysage formation se réorganise autour d’un fluide central : la conversation. L’IA lui offre une puissance que les outils traditionnels n’avaient jamais pu lui donner.
Par la rédaction d'e-learning Letter
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